[Séminaire Exposlav] Analyser les dispositifs muséographiques d’exposition de la violence et Enquêter les publics d’expositions liées à la traite et l’esclavage

- Gaëlle Crenn, Université de Lorraine, Crem
- Caroline Creton, UCO Nantes, Chus, Prefics
Lien pour accéder au séminaire : https://teams.microsoft.com/l/meetup-join/19%3ameeting_ZTlhZjI1ZjMtOWUyNS00NjY1LTkyNGYtYWNhODUxZGVjZDkx%40thread.v2/0?context=%7b%22Tid%22%3a%223caa0581-8207-4654-843a-8af0d7db5379%22%2c%22Oid%22%3a%226a59a691-ae8a-441b-9ba5-5821742ff6a8%22%7d
Le 26 juin 2025 se tiendra la première séance du séminaire en ligne EXPOSLAV dont l’objectif est d’interroger la mise en exposition de la traite atlantique et de l’esclavage depuis les années 1990.
Ce séminaire vise à réunir des chercheurs de différentes disciplines pour analyser les formes muséographiques des expositions, la prise en compte de la dimension mémorielle et les expériences de visite liées à cette histoire.
Ce séminaire est ouvert à toutes et tous, n’hésitez pas à partager l’invitation aux collègues susceptibles d’être intéressés.
La première séance aura lieu le 26 juin de 14h à 16h avec deux communications :
- Gaëlle Crenn, MCF HDR en SIC, Université de Lorraine, CREM : Analyser les dispositifs muséographiques d’exposition de la violence
- Caroline Creton, MCF en SIC, UCO Nantes, CHUS, PREFics : Enquêter les publics d’expositions liées à la traite et l’esclavage
Quatre autres séances sont prévues entre octobre 2025 et mai 2026, avec la participation de :
- Fabrice Folio (MCF HDR en géographie, Université de La Réunion),
- Melaine Harnay (docteur en Histoire/Civilisation des États-Unis),
- Angela Anzelmo (MCF en SIC, Université des Antilles),
- Stanley Louis (doctorant en Etudes anglophones et politiques culturelles comparées, Cergy Paris Université),
- Anne-Claire Faucquez (MCF en histoire et civilisation des Etats-Unis, Université Paris 8),
- Cécile Doustaly (PU en Etudes anglophones et politiques culturelles comparées, Cergy Paris Université),
- Constance Jame (chercheuse indépendante en Histoire de l’art et muséologie),
- Pauline Jeannette (doctorante en Histoire de l’art, Université de Lorraine).
Présentation détaillée du projet :
Durant près de quatre siècles – entre le XVIe et le XIXe siècle –, la traite atlantique a été l’un des moteurs du développement des sociétés européennes. De l’Espagne à l’Angleterre, en passant par la France ou le Danemark, nombreux sont les pays impliqués dans ce commerce qui profitèrent des richesses issues du travail d'hommes, de femmes et d’enfants déportés de leur pays d’origine et réduits en esclavage pour servir de main d’œuvre servile dans les colonies afin d’y produire du sucre, du café... Les historien·nes estiment que la France, à elle seule, aurait été responsable de la déportation d’un million trois cent mille personnes et Nantes – premier port dans ce commerce de l’hexagone – serait responsable de 42 % des expéditions de traite, représentant près de 550 000 personnes. Élément fondamental du développement économique des sociétés européennes, l’esclavage et ses conséquences ont paradoxalement été pendant longtemps absents des recherches universitaires (Grenouilleau, 2018 ; Saugera, 1995) et des musées européens. Véritable refoulement pour Célius (1998) ou amnésie pour Otele (2012), il a fallu attendre les années 1990 pour que des institutions muséales traitent enfin de cette histoire dramatique et mettent la lumière sur les acteur·ices qui ont organisé et profité de ce commerce. « Deux grandes initiatives marquent ce tournant, l’exposition Les anneaux de la mémoire […] organisée en 1992-1994 au château des ducs de Bretagne à Nantes et l’ouverture, en 1994, aux musées nationaux de Liverpool, de la galerie consacrée à l’esclavage transatlantique. » (Célius, 2013 : 31).
Depuis, les expositions ou lieux de mémoire abordant le sujet se multiplient. En métropole, des musées – souvent situés sur la façade atlantique – présentent au public cette histoire, comme à Bordeaux (Hubert et Block, 2013), au Havre, à Honfleur, Rouen, Lorient, Nantes (Guillet et al., 2009 ; Crenn, 2023) ou encore à La Rochelle. Dans les territoires d’outre-mer des musées et des Habitations évoquent également cette histoire (Barbier, 2013 ; Chivallon, 2006 ; Jean-Louis, 2013) ou lui sont complétement consacré à l’instar du Mémorial ACTe ouvert en 2015 en Guadeloupe (Moomou, 2015). En Afrique, des lieux comme l’île de Gorée ou Ouidah – anciens comptoirs – proposent des parcours mémoriels (Rieucau, 2019). L’intérêt pour le sujet des traites esclavagistes et la mémoire publique de ce phénomène historique est aujourd’hui l’objet d’un regain d’intérêt, comme le montrent les nombreuses publications consacrées à ce sujet mais aussi la récente prise en compte par les administrations culturelles : programme « Patrimoines contestés » au ministère de la Culture (sous la direction de Dominique Taffin) ; création du réseaux « Patrimoines déchaînés » à la Fondation pour la mémoire de l’esclavage (depuis 2019) ; création du nouveau réseau de recherche tel que « Mondes de la colonialité et transModernités » (MCTM), sous la direction de Christine Chivallon.
De nombreux travaux académiques, issus de différentes disciplines comme l’histoire (Araujo, 2021), les sciences politiques (Hourcade, 2013), l’anthropologie (Ciarcia, 2020) ou les études en civilisations britanniques (Otele, 2012) ont questionné les dynamiques sociales et politiques qui ont permis l’émergence de ces expositions, jusqu’à analyser leur forme et récit. Les sciences de l’information et de la communication (SIC) peuvent elles aussi contribuer à ces réflexions. En effet, au sein des SIC ont été développées des approches communicationnelles et socio-sémiotiques des expositions et des musées (Schiele et Boucher, 2001 ; Davallon, 1992, 2011 ; Montpetit, 2017 ; Le Marec & Maczek, 2020). La recherche s’est également orientée vers l’analyse des dispositifs de médiation (Gellereau, 2005 ; Crenn & Vilatte, 2020 ; Appiotti & Renaud, 2024).
Ce séminaire propose donc de rassembler des chercheur·es issu·es des SIC ou non qui souhaitent questionner la mise en exposition de cette thématique et les réceptions qui en sont faites par les publics. Ouverte aux perspectives et aux échanges inter et trans-disciplinaires, le séminaire centrera l’attention sur les intentions des différent·es acteur·ices impliqué·es dans la conception des projets d’exposition, sur les procédés muséographiques et scénographiques mobilisés, sur la thématisation et la mise en espace des discours, et sur leur réception par les publics.
Plusieurs questionnements nourriront ainsi le séminaire :
1. Les formes de mises en exposition
Tout d’abord, il s’agira de questionner les formes de mises en exposition. Avec le développement des expositions consacrées à cette thématique depuis les années 1990, notamment, dans les musées de ville ou d’histoire, observe-t-on une standardisation des discours, formats et médiations autour de ces enjeux ? Ou au contraire, existe-t-il diverses manières d’exposer la traite atlantique et l’esclavage (Crenn, 2022) ? Comment expose-t-on différemment cette histoire selon les villes ? Par ailleurs, en 30 ans, les formats d’exposition se sont-ils renouvelés ? Comment le récit historique ou encore le vocabulaire utilisé ont-ils évolué au sein de ces expositions et que révèlent ces changements ? Quel est le rapport entre expositions permanentes et temporaires sur ce sujet ?
2. La dimension mémorielle dans les expositions
Un deuxième aspect pourra questionner la place de la dimension mémorielle accordée dans ces lieux d’exposition, et notamment le recours aux artistes contemporains dans ce but. Pourquoi les fait-on intervenir ? Quel est leur apport ? Les œuvres d’art contemporaines apportent-elles un supplément d’âme, un souffle sensible qui permet de revivifier ces sujets délicats ? Ou se contentent-elles d’apporter une simple illustration symbolique ? Quelles autres dispositifs mémoriels ou dimension mémorielle observe-t-on ans les expositions ?
3. Les expériences des publics et la réception
Enfin, le troisième axe vise à questionner les expériences des publics. Si les expositions à ce sujet se sont multipliées, les études de réception et l’effet de telles expositions restent bien maigres. Certains musées ont analysé le livre d’or de l’exposition (Musée d’Aquitaine), le musée de Nantes a mis en place un espace d’expression à la fin de l’exposition L’Abîme (2021-2022) pour recueillir les ressentis des visiteurs et leur point de vue mais peu de travaux analysent la réception des publics, des groupes scolaires au public individuel, ou encore les phénomènes de tourisme mémoriel lié à cette thématique. Que ressentent les visiteurs (Creton et Aquilina, 2024) ? Qu’apprennent-ils dans ces expositions ? Qu’éprouvent-ils face à ce patrimoine dissonant (Crippa, 2021) ?
Site du projet : https://recherche.uco.fr/fr/actualite/exposlav
46.603354, 1.8883335
